Jérôme infirmier en soins palliatifs et formateur expert en éthique, nous partage dans cette interview son parcours et sa vision de l’éthique au sein du milieu médical.
“La réflexion éthique est fondamentale pour les soignants car elle permet de donner sens aux actions réalisées et d’envisager de nouvelles perspectives porteuses d’un engagement dans la durée“
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de votre expérience en tant que formateur Expert en Éthique et soins palliatifs ?
J’ai débuté mon parcours professionnel, en qualité d’infirmier, au sein d’une unité de soins palliatifs de la métropole lilloise. La nature palliative du prendre soin est à considérer comme un accompagnement des patients jusqu’au bout de la vie et non vers la mort ! La nuance est importante car l’enjeu est de préserver la meilleure qualité de vie possible des patients et cela nécessite pour les professionnels de santé de se questionner sur le sens des actions entreprises.
C’est donc au sein d’une unité de soins palliatifs qu’est né mon intérêt pour la réflexion éthique, consolidé ensuite par un parcours universitaire (DU et Master). Actuellement cadre de santé formateur en Institut de Formation en Soins Infirmiers, le développement de mes compétences en éthique s’est réalisé de manière continue dans une articulation théorico-pratique, entremêlant des savoirs théoriques et expérientiels.
Quel rôle joue l'éthique dans la vie professionnelle d’un soignant ?
La réflexion éthique est fondamentale pour les soignants car elle permet de donner sens aux actions réalisées et d’envisager de nouvelles perspectives porteuses d’un engagement dans la durée. Personne n’ignore les difficultés actuelles du monde de la santé dont l’origine est multifactorielle (développement des technosciences, évolution des attentes des usagers, rationalisation économique etc.).
Les soignants ressentent au quotidien une déstabilisation éthique qui peut aller parfois jusqu’à une souffrance éthique où il n’est alors plus possible de viser « la vie bonne » pour soi et autrui.
Quels sont les enjeux d’une démarche éthique en établissement sanitaire et médico-social ?
La démarche éthique contribue au dynamisme de l’institution dès lors que sa place est renforcée dans les orientations stratégiques (projet institutionnel). Elle contribue aussi à valoriser l’image institutionnelle, à condition bien entendu qu’il ne s’agisse pas d’une vitrine, et permet de répondre aux exigences de certification.
Mais surtout, la démarche éthique contribue à améliorer la qualité des soins et à éviter d’en arriver à une souffrance éthique pour les soignants. Il y a donc également un enjeu managérial, voire même de santé publique pour maintenir une attractivité d’autant que les soignants sont nombreux à envisager de changer de profession (40 % des infirmiers selon une enquête de l’Ordre National Infirmier publiée en 2021).
Quels sont, selon vous, les éléments clés pour une formation réussie sur le thème de l’éthique ?
L’éthique est différente de la morale, ce n’est pas un ensemble de normes ou de principes à appliquer. Elle est à envisager de manière réflexive, collective et délibérative.
Une formation à l’éthique réussie nécessite une réelle demande de soignants qui sont confrontés au quotidien à des conflits de valeur dans leur pratique et qui sont prêts à s’engager dans une réflexion collective. La porte d’entrée de la réflexion éthique est généralement d’ordre clinique puisque les dilemmes éthiques sont mis au jour par l’explicitation de situations de soins ou d’accompagnement.
L’institution doit aussi soutenir les réflexions collectives engagées et les perspectives envisagées. Ainsi, une formation à l’éthique réussie s’inscrit dans un double mouvement à la fois ascendant (la demande des professionnels au contact des résidents ou des patients) et descendant (la volonté des directions) car, comme l’écrivit le philosophe Paul Ricoeur, l’éthique est « la visée de la vie bonne pour soi et autrui dans des institutions justes. »
